L’autorité fédérale de surveillance des marchés financiers FINMA a constaté que la banque privée genevoise Mirabaud avait gravement enfreint les règles du droit des marchés financiers en manquant à ses obligations en matière de lutte contre le blanchiment d’argent (voir le communiqué de la FINMA ici).
En conséquence, le régulateur financier a confisqué CHF 12.7 millions de francs de gains indûment obtenus et a ouvert 3 procédures contre des personnes physiques. Par ailleurs, la banque n’est plus autorisée à accepter de nouveaux clients présentant des risques accrus de blanchiment d’argent tant que l’ordre légal n’aura pas été rétabli.
La FINMA est arrivée à cette conclusion en juin 2023 au terme du procédure d’enforcement ouverte 2 ans plus tôt. A l’issue de cette procédure, Mirabaud s’était opposée devant les tribunaux à ce que la FINMA publie son nom, mais le Tribunal fédéral a rejeté son recours. La décision elle-même n’était pas contestée par la banque et est entrée en force en août 2023.
Vérifications insuffisantes
De fait, la FINMA estime que Mirabaud n’a pas suffisamment vérifié et documenté l’arrière-plan économique de relations d’affaires et de transactions. La FINMA avait ouvert la procédure sur la base d’indices de manquements en lien avec une structure de clientèle complexe. Celle-ci était présumée être liée à un homme d’affaires accusé de soustraction fiscale, décédé depuis lors.
Si le gendarme financier ne précise pas le nom de l’individu concerné, il pourrait s’agir, comme l’indique le média financier Finews, du financier texan Robert Brockman, décédé en août 2022 et qui a défrayé la chronique en 2020 pour avoir fraudé le fisc américain en profitant d’une faille dans l’accord FATCA. Ses avoirs en Suisse avaient été bloqués par la justice suisse.
Depuis 2010, la banque Mirabaud a entretenu plusieurs relations d’affaires avec des sociétés et des structures complexes susceptibles d’être en lien direct ou indirect avec cet homme d’affaires. Dans le cadre de ces relations d’affaires, la banque a géré des actifs jusqu’à hauteur de CHF 1.7 milliard. Par moments, ces actifs représentaient près de 10 % de l’ensemble des actifs sous gestion de la banque.
Les signaux d’alerte ont été ignorés
Les enquêtes de la FINMA ont révélé que la banque a vérifié et documenté de manière lacunaire les ayants droit économiques et l’arrière-plan économique de nombreuses transactions, alors même qu’il existait des indices de risques accrus de blanchiment d’argent, notamment en lien avec la prévention des délits fiscaux qualifiés, et, depuis 2018, des signaux d’alertes concrets concernant les relations d’affaires concernées.
Globalement, Mirabaud ne disposait pas d’une organisation adéquate ni d’une gestion des risques suffisante pour surveiller ces relations d’affaires. La banque a ainsi gravement enfreint, sur une période prolongée, les dispositions du droit des marchés financiers relatives à une organisation appropriée (gouvernance), à la gestion des risques et à la prévention du blanchiment d’argent.
La banque a pris des mesures
La banque a coopéré avec la FINMA durant la procédure. Par ailleurs, elle a pris des mesures opérationnelles, organisationnelles et personnelles pour remédier aux faiblesses avant et pendant la procédure d’enforcement.
Outre une vaste réorganisation, Mirabaud a renforcé son dispositif de lutte contre le blanchiment d’argent, la gestion des risques et l’ensemble du système de contrôle interne, ainsi que sa gouvernance. La FINMA estime que ces mesures sont en principe appropriées pour rétablir l’ordre légal.
Mesures supplémentaires ordonnées
Parallèlement, la FINMA a ordonné une série d’autres mesures. La banque doit notamment adapter encore son dispositif de lutte contre le blanchiment d’argent, développer son système de contrôle interne, renouveler et renforcer sa gouvernance d’entreprise sur le plan de l’organisation et du personnel. Elle doit aussi procéder à l’examen de toutes ses relations d’affaires du point de vue des risques. Sur la base de ces examens, la direction devra ensuite décider de poursuivre ou non les relations d’affaires.
En outre, Mirabaud doit analyser toutes les transactions à risques accrus concernées entre 2018 et 2022 et compléter la documentation au besoin. Elle doit aussi mettre en place de nouvelles incitations pour une gestion appropriée des risques dans son système de rémunération.
Limitation des nouvelles affaires
La FINMA a interdit à la banque d’accepter de nouveaux clients présentant des risques accrus de blanchiment d’argent jusqu’à la mise en œuvre complète des mesures ordonnées et le rétablissement de l’ordre légal. Elle a aussi interdit à la banque toute activité susceptible d’accroître ses risques opérationnels. La FINMA surveille étroitement la mise en œuvre et le respect des mesures et a nommé un chargé d’audit à cet effet.