Lombard Odier inculpée de blanchiment aggravé

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Le Ministère public de la Confédération (MPC) a inculpé de blanchiment d’argent aggravé la banque privée genevoise Lombard Odier et l’un de ses anciens gestionnaires de fortune.

Au terme de son instruction pénale, le MPC a déposé le 26 novembre 2024 un acte d’accusation auprès du Tribunal pénal fédéral (TPF) contre un ancien gestionnaire et la Banque Lombard Odier & Cie SA, tous deux accusés de blanchiment d’argent aggravé.

La banque et son ex-employé sont soupçonnés d’avoir joué un rôle déterminant pour permettre la dissimulation du produit d’agissements de « l’Office » créé par Gulnara Karimova, que le MPC qualifie d’organisation criminelle.

L’acte d’accusation s’inscrit dans un contexte de faits connexe à celui qui a conduit le MPC, le 28 septembre 2023, à déférer devant le TPF Gulnara Karimova, fille de l’ancien président d’Ouzbékistan, et un deuxième prévenu. Ces derniers sont notamment accusés d’avoir participé à une organisation criminelle dénommée « l’Office », active dans différents pays, et d’avoir blanchi en Suisse, entre 2005 et 2012, des valeurs patrimoniales générées par des crimes commis par ladite organisation criminelle, dont Gulnara Karimova était, selon l’acte d’accusation du MPC, la cheffe ultime.

Dans ce contexte, l’enquête a mené le MPC à établir qu’une partie des fonds blanchis en Suisse aurait été versée sur des relations bancaires auprès de Banque Lombard Odier & Cie SA à Genève. Le rôle de la banque et son ancien gestionnaire aurait été déterminant pour permettre la dissimulation du produit d’activités criminelles de « l’Office ». Pour cette raison, la procédure pénale a été menée depuis décembre 2016 à leur encontre pour soupçons de blanchiment d’argent aggravé.

La phase d’instruction a abouti au dépôt d’un acte d’accusation auprès du TPF. L’ancien gestionnaire – actif entre 2008 et 2012 auprès de l’unité Clientèle Privée de Lombard Odier – est accusé de blanchiment d’argent aggravé. La banque Lombard Odier est elle aussi accusée de blanchiment d’argent aggravé,  en relation avec la responsabilité pénale de l’entreprise.

Actes reprochés à l’ancien gestionnaire

En raison notamment de sa fonction de membre du comité d’investissement d’un fonds de Gulnara Karimova, le prévenu aurait connu la fille de l’ancien président de la République d’Ouzbékistan et plusieurs membres de « l’Office » avant son engagement chez Lombard Odier. Après avoir rejoint la banque en 2008, il aurait maintenu un contact actif avec des membres de « l’Office » et aurait proposé une coopération à certains d’entre eux. En sa qualité de gestionnaire, le prévenu est accusé d’avoir, entre août 2008 et août 2012, ouvert, respectivement fait ouvrir auprès de Lombard Odier 9 relations bancaires de « l’Office » destinées à recevoir des fonds issus de crimes commis par cette organisation criminelle.

Par la suite, il aurait géré ces relations bancaires, pour lesquelles de faux ayants droit économiques auraient été désignés, aspect qu’il n’aurait pas signalé au sein de la banque, alors qu’il aurait su que la réelle et unique ayant droit économique des fonds était Gulnara Karimova.

Dans ce contexte, le prévenu aurait également faussement qualifié une société de « l’Office » de société opérationnelle, alors qu’il aurait su que cette dernière n’avait aucune activité ni employé et qu’elle avait été mise sur pied par l’organisation criminelle dans l’unique but de donner un habillage juridique aux transferts de fonds provenant de crimes.

Le prévenu est également accusé de ne pas avoir clarifié, respectivement d’avoir clarifié faussement et tardivement, l’arrière-plan économique de crédits et débits intervenus sur les 9 relations bancaires en question, et de s’être abstenu d’informer le Monitoring Compliance, faisant obstacle à l’obligation immédiate d’informer le Bureau de communication en matière de blanchiment d’argent (MROS).

En outre, il aurait autorisé un membre de « l’Office », qui ne bénéficiait pas d’un droit d’accès, en novembre 2011 et juin 2012, à accéder à un coffre-fort lié à une relation bancaire de « l’Office » auprès de Lombard Odier et à y prélever des documents destinés à servir d’habillage juridique pour justifier des transferts de fonds, respectivement à transférer l’intégralité des documents dans un autre coffre-fort.

Selon l’acte d’accusation du MPC, le prévenu savait que les fonds transférés sur les neuf relations bancaires susmentionnées provenaient d’activités criminelles de « l’Office », notamment d’actes de corruption commis dans le secteur ouzbek des télécommunications. Dans ce contexte, il aurait commis des actes propres à entraver l’identification de l’origine, la découverte et la confiscation de valeurs patrimoniales, dont il aurait su qu’elles provenaient de crimes. Les faits reprochés au prévenu seraient constitutifs de blanchiment d’argent aggravé.

Actes reprochés à la banque

Dans le cadre de l’ouverture et de la gestion des 9 relations susmentionnées, le MPC reproche à Lombard Odier de ne pas avoir respecté les standards de l’époque en matière de lutte contre le blanchiment et ses propres directives internes en vigueur.

En particulier, l’enquête aurait permis de démontrer des manquements dans le cadre de l’identification et du renouvellement de l’identification de l’ayant droit économique des relations en question, de l’obligation de clarifications complémentaires des relations présentant un risque accru, de l’acceptation et de l’examen annuel des relations d’affaires avec des personnes politiquement exposées (PEP), de l’obligation d’identifier et de clarifier les transactions présentant un risque accru et de l’organisation interne.

De 2008 à 2012 à tout le moins, le programme de lutte contre le blanchiment d’argent de Lombard Odier aurait présenté de multiples défaillances empêchant tant d’éviter que de détecter les activités de blanchiment d’argent répétées et durables qui auraient été commises par le gestionnaire responsable des neuf relations bancaires de « l’Office ».

Dans ce contexte, la banque n’aurait pas pris toutes les mesures d’organisation raisonnables et nécessaires pour empêcher la commission d’actes de blanchiment d’argent aggravé en son sein. Elle est ainsi accusée de blanchiment d’argent aggravé, en relation avec la responsabilité pénale de l’entreprise.

La présomption d’innocence prévaut pour les prévenus jusqu’au prononcé d’un jugement définitif.

La banque rejette les accusations

Selon l’ATS, Lombard Odier a indiqué avoir pris connaissance de la décision du MPC. Pour la banque, les accusations portées contre elle sont « infondées » et elle « les rejette fermement ».

L’enquête a débuté « suite à une communication de soupçons proactive de Lombard Odier aux autorités suisses (MROS) en 2012 », ajoute la banque, qui dit avoir « toujours pleinement coopéré avec les autorités compétentes ».