La conférence organisée hier soir par Kasavi Advisory et OA Legal et consacrée à l’après 1er janvier 2023 chez les gérants indépendants a attiré la foule des grands jours.
Il faut dire que nous sommes à moins d’un mois et demi de l’échéance tant redoutée de toute une profession. En effet, à compter du 1er janvier 2023, les gérants indépendants devront tous bénéficier d’une autorisation de la FINMA pour pouvoir continuer à exercer leur métier.
Le début et non la fin de la course
Comme l’ont rappelé Deborah Lechtman et Alexandre de Boccard d’OA Legal, obtenir l’autorisation de la FINMA n’est en aucun cas la fin du processus. Au contraire, après avoir élaboré des règlements et des procédures pour répondre aux exigences du régulateur, il va désormais s’agir de les appliquer au quotidien, ce qui est plus facile à dire qu’à faire.
Le premier audit va d’ailleurs être crucial et les organes de révision ne vont pas manquer de vérifier de près non seulement le respect des lois, mais aussi et surtout celui des règles internes. Toutes les décisions de gestion ou de vérification devront ainsi être dûment documentées, ce qui n’est pas une mince affaire quand on sait que dans le cas d’une relation de type « advisory », c’est chaque conseil donné à un client qui doit être documenté, notamment en termes de logique d’investissement et de « suitability ». En termes de fonds propres et de liquidités, il conviendra également de veiller au respect du minimum de 25% des coûts fixes. Par ailleurs, il s’agira de surveiller les délégataires de tâches essentielles, comme les fournisseurs informatiques par exemple. Enfin, il ne faudra pas oublier de demander l’accord de la FINMA pour toute modification importante, comme une modification de l’actionnariat ou l’évolution des zones d’activité.
Quelles alternatives pour les gérants sans autorisation?
Selon les chiffres publiés en août par la FINMA, 661 gérants indépendants avaient indiqué qu’ils ne demanderaient pas d’autorisation et 393 n’avait encore rien annoncé, ce qui laisse supposer qu’ils ne comptaient pas solliciter le précieux sésame. Par ailleurs, sur les 1’159 demandes qui étaient en cours de traitement à l’époque, on peut supposer qu’un certain nombre seront rejetées.
Ces gérants auront plusieurs options:
- Cesser leur activité. Dans ce cas, la question se pose de savoir qui va reprendre leur clientèle. Ces gérants peuvent se transformer en apporteurs d’affaires pour une banque ou un autre gérant indépendant.
- Devenir de simples conseillers en investissement
- Limiter leur activité pour passer sous le seuil qui impose l’autorisation (moins de 20 clients, moins de CHF 5 millions d’actifs en gestion, moins de CHF 50’000 de revenus).
- Effectuer une fusion ou un transfert d’actifs
- Rejoindre une société autorisée
Cette dernière option semble la plus facile pour un gérant. Plusieurs sociétés de gestion se sont d’ailleurs profilées sur ce terrain ces derniers mois en cherchant à attirer les chargés de clientèle.
La consolidation devrait s’accélérer
Alors qu’on pouvait penser que l’échéance du 1er janvier allait se traduire par une vague de fusions & acquisitions, tel ne semble pas encore avoir été le cas. En effet, il n’y a eu que 19 transactions annoncées en 2022, soit à peine 2 de plus qu’en 2021. Même si de nombreuses transactions restent confidentielles, on est loin du raz-de-marée attendu.
Il faut dire que l’industrie reste très morcelée. Ainsi, sur un total de 1930 gérants, 552, soit 28.6%, gèrent moins de CHF 50 millions. A l’inverse, moins de 30% des gérants gèrent plus de 75.8% des actifs en gestion.
Selon Igal Kasavi de Kasavi Advisory, il semble que de nombreux gérants indépendants ont bien l’intention de se vendre ou de fusionner, mais qu’ils ont demandé l’autorisation de la FINMA pour ne pas être sous pression et être dans une situation plus favorable pour négocier.
Car l’échéance du 1er janvier n’est pas le seul défi auquel les gérants indépendants doivent faire face. En effet, outre celui de l’innovation technologique, les acteurs de l’industrie sont confrontés à la question de la taille critique et à celle de la transition générationnelle.
De fait, de nombreux fondateurs de sociétés de gestion ont atteint l’âge de la retraite et se posent la question de leur succession. En terme de taille critique, il convient de distinguer celle qui permet de maintenir l’activité de celle, plus élevée, qui rend possible la croissance future. Pour les gérants indépendants qui ont une vision d’avenir et qui souhaitent se développer, il est donc souvent nécessaire de passer à une taille supérieure.
On peut donc s’attendre à ce que, plutôt que de ralentir, le mouvement de consolidation, qu’il soit du fait de consolidateurs tels que Focus Financial ou Quaestor Coach ou de transaction entre pairs, s’accélère à compter du 1er janvier 2023.