Gérants indépendants: comment réussir son opération de fusion/acquisition?

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Comme à chaque édition, il y avait foule hier soir à la conférence annuelle organisée par le consultant Kasavi Advisory et consacrée à la problématique de la consolidation dans l’industrie de la gestion indépendante suisse.

Etat des lieux des autorisations FINMA

La conférence a débuté par un point de situation sur les demandes d’autorisation auprès de la FINMA.

Rappelons que la nouvelle loi sur les établissements financiers est entrée en vigueur en janvier 2023 et qu’il est désormais obligatoire d’obtenir une autorisation d’exercer. A cette occasion, plus de 1000 gérants indépendants ont d’ailleurs renoncé à la solliciter.

En 2023, 78 sociétés ont demandé une autorisation et environ 20 au cours des 8 premiers mois de l’année 2024. Depuis le 1er janvier 2024, 212 gérants ont obtenu leur licence (la FINMA avait de nombreuses demandes en suspens, n’ayant pas pu traiter en 2023 toutes les dossiers déposés), soit une moyenne de 5.6 par semaine. D’ailleurs, 275 demandes sont encore en cours de traitement. Il s’agit probablement de plus grosses entités ou de cas plus complexes.

Il y a donc actuellement 1’337 gérants indépendants autorisés en Suisse, représentant selon les estimations de Kasavi Advisory quelque CHF 270 milliards d’avoirs en gestion.

Comme c’est le cas dans la plupart des industries, la gestion indépendante reste assez concentrée malgré une multitude de petits acteurs. De fait, 30% des sociétés gèrent plus de 75% des avoirs totaux et 36.8% des gérants gèrent plus de CHF 1 milliard chacun. A l’inverse, près de la moitié des sociétés de gestion (43.7%) ne gèrent que 8.2% des actifs totaux.

Fusions & Acquisitions

Entre 2022 et septembre 2024, 51 transactions ont été rendues publiques et 18 sont encore prévues d’ici la fin de l’année. Il faut toutefois être conscients que de nombreuses opérations ne sont pas annoncées et passent donc inaperçues.

Concernant les acteurs genevois, les transactions publiées depuis 2022 sont les suivantes:

  • Achat de BHA Partners Zurich par Syz Group
  • Achat d’Artorius  Zurich par Decisive Capital Management (disparue depuis)
  • Fusion entre Woodman AM et Pentagram WM
  • Rachat d’Octogone Gestion par Focus Financial Partners (USA)
  • Management Buyout de Fransad
  • Achat d’UBP Investment Advisors par Ameliora WM (Liechtenstein)
  • Reprise de Sartus Capital par Cité Gestion
  • Acquisition de Criptonite AM par Wave Financial (USA)
  • Fusion entre Alvarium Investments et Tiedemann Constantia
  • Achat de KPC  Consultoria Financeira (Brésil) par Brainvest WM
  • Reprise de GMG AM par Quaestor Coach
  • Achat de Finstoy (Lausanne) par Pleion
  • Achat de BCB AM (Martigny) par Bruellan
  • Achat de Harver Capital par NFG Partners
  • Reprise d’Asteria IM par Man Group
  • Achat d’une participation importante dans Sumus Capital par Thierry et Philippe Schaffhauser
  • Reprise de Zodiac Partners (UK) par NFG Partners

Les défis des gérants indépendants

Pour pouvoir se développer ou même se maintenir, les gérants indépendants font face à 3 défis majeurs: la taille critique, la transition générationnelle et la technologie.

La transition générationnelle est un problème majeur. En effet, sur un total de 1530 sociétés de gestion indépendante répertoriées par Kasavi Advisory, quelque 35% ont plus de 20 ans d’existence. Même si certaines ont vu leur actionnariat se renouveler, une bonne partie est encore détenue par les fondateurs, qui doivent certainement avoir atteint ou dépassé l’âge de la retraite. Ils vont donc devoir vendre leur entreprise ou la liquider.

Comment valoriser une société de gestion?

Le prix d’une société de gestion indépendante résulte de la combinaison de plusieurs facteurs:

  • La valeur intrinsèque (« Equity ») qui est la valeur tangible, la valeur du bilan.
  • Le goodwill, c’est-à-dire une valeur intangible et une valeur économique déterminée sur la base de ratios classiques (EBITDA, CA, etc).
  • La valeur stratégique, qui est la valeur aux yeux de l’acquéreur et qui peut largement différer des 2 autres, par exemple parce qu’il s’agit d’une pièce manquante du puzzle. Cette valeur est très variable d’un acheteur à l’autre. Ainsi, une société bénéficiant d’une licence SEC pourra être jugée très intéressante et donc payée plus cher par un acteur suisse désireux de s’intéresser aux US Persons, sachant que la SEC n’octroie plus de licence aux sociétés de gestion suisses depuis plusieurs années.

Case study: Sumus Capital

La conférence s’est achevée par la présentation de la prise d’une participation importante dans Sumus Capital, en présence des 3 acteurs clés de l’opération (Thierry et Philippe Schaffhauser et Luca Parmeggiani).

L’opération était intéressante pour les 2 parties car Thierry et Philippe Schaffhauser géraient des fonds actions dans une autre société et avaient besoin d’une licence LPCC pour se mettre à leur compte. De son côté, Sumus Capital avait récemment perdu un client important et cherchait donc des actifs à gérer. Par ailleurs, elle était spécialisée dans la gestion obligataire et n’avait pas d’expertise en actions. Enfin, les 2 entreprises étaient de taille comparable.

Malgré ces complémentarités objectives, c’est le « fit » culturel – comme c’est généralement le cas – qui a permis à l’opération de se conclure dans un délai record, puisque les premières réunions entre les acheteurs et Kasavi Advisory ont eu lieu en juin 2023 et que l’accord a été signé à fin octobre. Suite à l’approbaton rapide de la FINMA, l’opération a pu se finaliser à fin décembre.