Blocage dans l’audit des gérants suisses enregistrés aux USA

La FINMA a informé pendant l’été les sociétés de gestion suisses enregistrées auprès de la SEC que le gendarme financier américain entendait procéder à un contrôle direct de leur conformité. En effet, le régulateur US souhaitait s’assurer par lui-même que les gérants suisses ayant une activité aux Etats-Unis se conformaient bien aux règles et obligations américaines.

La FINMA avait donné son accord pour une telle procédure d’audit, tout en rappelant aux sociétés de gestion visées leur obligation de protéger les informations sensibles des clients ou de tiers et d’éviter toute violation des lois suisses applicables, dans le cadre d’un contrôle effectué par une autorité étrangère.

De fait, la SEC n’est pas autorisée à consulter directement ou indirectement des données liées à la gestion de fortune, au négoce de titres ou aux opérations de dépôt pour des clients particuliers. La FINMA fournit des informations plus détaillées dans plusieurs directives disponibles sur son site Internet concernant les inspections en Suisse des autorités étrangères de surveillance  (notamment son interprétation de l’article 42c LFINMA qui prévoit la possibilité pour les établissements assujettis à la surveillance de la FINMA de transmettre des informations non publiques directement à des autorités et services étrangers sans qu’une autorisation préalable ne soit nécessaire).

Situation bloquée

Les contrôles de la SEC ont eu lieu cet automne sur place, c’est-à-dire que des équipes américaines se sont rendues dans les entreprises concernées afin d’examiner leurs registres et dossiers. Il semble que leur contrôle visait à vérifier la manière dont les clients américains étaient traités (« suitability » des investissements, conflits d’intérêt, traitement équitable, etc…) plutôt que des questions fiscales.

Mais dans le cadre de cette procédure de contrôle, la SEC a demandé aux sociétés de gestion des informations que la FINMA leur a interdit de livrer (comme des informations sur les clients non-US), ce qui a engendré un blocage et un arrêt de l’audit américain. 

Un accord n’a pas (encore) été trouvé avec la FINMA sur le périmètre et la nature exacte des données à transmettre et à anonymiser. En conséquence, la SEC a suspendu ses opérations d’audit et a envoyé des « deficiency letters » (lettres de non conformité) aux sociétés concernées, qui pourraient aboutir à la perte de la licence US si une solution n’est pas trouvée d’ici la date limite de fin janvier 2025.

Une situation qui rappelle de mauvais souvenirs

Si ce contrôle direct de la SEC peut apparaître comme bénéfique pour les investisseurs américains, qui seront ainsi mieux protégés contre les abus éventuels, et qu’il permettrait, en cas de succès, la levée du moratoire sur l’octroi de nouvelles autorisations, il soulève toutefois un certain nombre de questions. En effet, l’histoire récente – notamment l’affaire des fonds en déshérence, le programme US de régularisation fiscale ou l’accord FATCA – nous montre qu’il peut être dangereux pour les moutons suisses de laisser entrer le loup américain dans la bergerie… On sait que nos amis d’outre-Atlantique ont tendance à penser que la Lex Americana s’applique dans le monde entier.

On peut donc craindre que les auditeurs US ne se montrent plus curieux et exigeants qu’escompté et qu’ils ne veuillent en savoir toujours plus. Les gérants enregistrés aux USA risquent ainsi de se retrouver dans une situation inconfortable, pris entre le marteau des lois suisses sur la protection des clients et l’enclume des exigences de la SEC.

Les gérants qui n’ont pas créé une entité distincte dédiée à la clientèle US ont sans doute plus à craindre, car on peut redouter que les auditeurs de la SEC ne limitent pas leurs investigations aux noms qu’on voudra bien leur donner et n’étendent le périmètre de leur audit à l’ensemble de la clientèle.

Une douzaine de sociétés sont concernées à Genève

A Genève, parmi les sociétés de gestion enregistrées auprès de la SEC, on trouve notamment :

  • Alpen Partners
  • Hyposwiss Advisors
  • Lobnek Wealth Management
  • Reyl Overseas
  • Forum Finance
  • Vontobel SFA
  • Baseline Wealth Management
  • BVB & Partners
  • J. Safra Sarasin Asset Management (North America)
  • Parkview
  • Pictet North America Advisors
  • Strategic Swiss Advisors