Pictet et l’un de ses anciens gérants condamnés par le MPC

La banque privée genevoise Pictet a été condamnée par le Ministère Public de la Confédération  (voir le communiqué ici) dans le cadre de l’affaire Petrobras.

Par ailleurs, le MPC a également condamné par ordonnance pénale un ancien gérant de fortune de la banque à une peine privative de liberté de 6 mois avec sursis pour des actes de blanchiment d’argent aggravé.

La Banque Pictet s’est vu infliger une amende de CHF 2 millions pour ne pas avoir pris toutes les mesures d’organisation raisonnables et nécessaires afin d’empêcher la commission de ces actes.

La condamnation intervient dans le cadre d’une série de procédures ouvertes par le MPC en lien avec l’affaire de corruption internationale connue sous le nom de « Lava Jato », dont l’épicentre se situe au Brésil. Impliquant la société pétrolière étatique Petrobras, cette affaire a entraîné des répercussions également en Suisse.

De fait, entre juin 2010 et mai 2013, des fonds totalisant plus d’USD 4.1 millions provenant de paiements corruptifs ont été transférés, depuis le compte d’un agent public brésilien auprès de la Banque Pictet, dans le but de dissimuler leur origine criminelle.

Dans le contexte de ces procédures, le MPC a ouvert en décembre 2021 une instruction pénale contre la Banque Pictet, contre l’un de ses anciens gérants de fortune et contre Inconnus pour soupçons de complicité de corruption d’agents publics étrangers (art. 25 et art. 322septies CP) et de blanchiment d’argent aggravé (art. 305bis ch. 1 et 2 CP) en lien avec l’art. 102 al. 2 CP.

Par ordonnance pénale du 17 juin 2025, le MPC a reconnu coupable de blanchiment d’argent aggravé (art. 305bis ch. 1 et 2 CP) l’ancien gérant de fortune au sein de la division Wealth Management qui était Responsable,  du marché brésilien de la Banque Pictet, dès janvier 2013. Il a été condamné à une peine privative de liberté de 6 mois, assortie du sursis complet avec un délai d’épreuve de 2 ans. Cette peine prend notamment en considération le temps écoulé depuis l’infraction, la collaboration du prévenu à la procédure et sa situation personnelle.

La Banque Pictet a, quant à elle, été reconnue coupable de violation de l’art. 102 al. 2 CP en lien avec l’infraction de blanchiment d’argent aggravé (art. 305bis ch. 1 et 2 CP) et condamnée à une amende de CHF 2 millions. Ce montant tient également compte du temps écoulé depuis l’infraction, mais aussi de la très bonne collaboration de la Banque Pictet à la procédure et des mesures correctives prises en son sein, y compris sur le plan organisationnel, suite à l’éclatement de l’affaire Petrobras.

Blanchiment d’argent aggravé

L’instruction a permis d’établir que l’ancien gérant de fortune de la Banque Pictet avait validé, entre juin 2010 et mai 2013 et dans le cadre de son activité professionnelle, l’exécution de 54 transferts en faveur de comptes en Suisse et à l’étranger, pour un montant total de plus d’USD 4.1 millions, au débit d’un compte ouvert auprès de la Banque Pictet au nom d’une société offshore et dont un employé de Petrobras était l’ayant droit économique.

Les avoirs ainsi débités provenaient de paiements corruptifs octroyés à ce dernier par un intermédiaire agissant pour le compte du groupe hollandais SBM Offshore dans le cadre de contrats avec Petrobras portant sur l’affrètement et l’exploitation de plateformes pétrolières. Afin d’acheminer les paiements corruptifs, l’intermédiaire avait utilisé des comptes bancaires en Suisse aux noms de sociétés offshore, dont l’un était ouvert auprès de Banque Pictet. De par leur nature et les circonstances dans lesquelles ils étaient intervenus, les 54 transferts précités avaient servi à dissimuler la provenance criminelle de ces avoirs.

L’ancien gérant de fortune de la Banque Pictet a ainsi commis des actes propres à entraver l’identification et la confiscation de valeurs patrimoniales issues de l’infraction de corruption d’agents publics étrangers (art. 322septies CP). Dans la mesure où ses agissements ont duré plus de 3 ans et porté sur plus d’USD 4.1 millions, il a été reconnu coupable de blanchiment d’argent aggravé au sens de l’art. 305bis ch. 1 et 2 CP.

Responsabilité pénale de l’entreprise

Il ressort de l’enquête que l’infraction de blanchiment d’argent aggravé a été rendue possible par le défaut d’organisation de la Banque Pictet. Ce défaut s’est manifesté par des manquements liés à l’absence de qualification comme étant à risque accru des deux comptes contrôlés respectivement par l’agent public brésilien et par l’intermédiaire, ainsi que par des manquements dans la surveillance des 54 transferts précités. Ces manquements aux règles légales anti-blanchiment applicables à l’époque ont eu pour effet de porter atteinte à l’intégrité de la place financière suisse. Banque Pictet a ainsi été reconnue coupable de violation de l’art. 102 al. 2 CP en lien avec l’infraction de blanchiment d’argent aggravé.

Classement partiel

L’instruction n’ayant pas permis d’établir que l’ancien gérant de fortune aurait prêté intentionnellement son concours à l’exécution des paiements corruptifs investigués, la procédure pénale ouverte contre lui et la Banque Pictet pour soupçons de complicité de corruption d’agents publics étrangers (art. 25 et art. 322septies CP, en relation avec l’art. 102 al. 2 CP) a été classée (art. 319 al. 1 let. b CPP).

La condamnation est entrée en force

L’ancien gérant de fortune, ainsi que la Banque Pictet, ayant renoncé à former opposition contre l’ordonnance pénale et le classement partiel, celle-ci est donc entrée en force.