J. Safra Sarasin et JP Morgan condamnées par le MPC

Finance Corner - Justice Justice

La banque privée bâloise J. Safra Sarasin et la banque JP Morgan (Suisse) ont toutes deux été condamnées par le Ministère Public de la Confédération (MPC) à travers des ordonnances pénales.

Ces condamnations interviennent dans le cadre de 2 affaires différentes. J. Safra Sarasin est condamnée en lien avec l’affaire de corruption internationale connue sous le nom de «Lava Jato», impliquant la société pétrolière étatique brésilienne Petrobras, tandis que JP Morgan est sanctionnée en rapport avec le détournement d’actifs du fonds souverain malaisien 1Malaysia Development Berhad (1MDB).

J. Safra Sarasin et une ex-gérante condamnées dans l’affaire Petrobras

Dans une décision publiée le 22 août, le MPC a ainsi condamné par ordonnance pénale la Banque J. Safra Sarasin à une amende de CHF 3.5 millions pour ne pas avoir pris toutes les mesures d’organisation raisonnables et nécessaires afin d’empêcher la commission, respectivement la tentative d’actes de blanchiment d’argent aggravé entre novembre 2011 et mai 2014, pour un montant total d’environ USD 71 millions. La Banque J. Safra Sarasin ayant payé un montant transactionnel de CHF 16 millions à Petrobras, le MPC n’a pas prononcé de créance compensatrice.

Le MPC a également condamné une ancienne employée de la banque à une peine privative de liberté de 6 mois avec sursis complet pour des actes de blanchiment d’argent aggravé, commis entre novembre 2011 et juillet 2014, alors qu’elle travaillait auprès d’un autre établissement bancaire suisse, pour un montant total de USD 29.2 millions.

La condamnation intervient en lien avec l’affaire de corruption internationale connue sous le nom de «Lava Jato», impliquant la société pétrolière étatique brésilienne Petrobras.

Le MPC a ainsi ouvert en novembre 2018 une instruction pénale contre Banque J. Safra Sarasin, l’une de ses anciennes gérantes de fortune et Inconnus pour soupçons de complicité de corruption d’agents publics étrangers (art. 25 CP en lien avec l’art. 322septies CP) et blanchiment d’argent aggravé (art. 305bis ch. 1 et 2 CP) en relation avec l’art. 102 al. 2 CP. En juillet 2019, l’instruction a été étendue à 3ème prévenu, employé de J. Safra Sarasin, pour les mêmes chefs d’infractions.

Par ordonnance pénale du 22 août 2025, J. Safra Sarasin a été reconnue coupable de violation de l’art. 102 al. 2 CP en lien avec l’infraction de blanchiment d’argent aggravé (art. 305bis ch. 1 et 2 CP) et condamnée à une amende de CHF 3.5 millions. Ce montant tient compte du temps écoulé depuis l’infraction, ainsi que des différentes mesures correctives prises pas la banque, y compris sur le plan organisationnel, suite à l’éclatement de l’affaire Petrobras. Le MPC a également reconnu une ancienne gérante de fortune coupable de blanchiment d’argent aggravé (art. 305bis ch. 1 et 2 CP). Elle a été condamnée à une peine privative de liberté de six mois, assortie du sursis complet avec un délai d’épreuve de deux ans. Cette peine prend notamment en considération le temps écoulé depuis l’infraction et sa situation personnelle.

L’instruction a permis d’établir qu’une partie de la clientèle de l’ancienne gérante de fortune, acquise en particulier alors qu’elle travaillait chez Banque J. Safra Sarasin, a été impliquée dans l’affaire « Lava Jato». Dans ce contexte, plusieurs relations bancaires ont été ouvertes auprès de J. Safra Sarasin en Suisse et ont été utilisées pour recevoir ou faire transiter des paiements corruptifs d’une dizaine de sociétés actives dans le secteur du pétrole et de la construction. Ces paiements étaient destinés à des hauts cadres de Petrobras, également clients de Banque J. Safra Sarasin, notamment en vue de favoriser les intérêts de ces sociétés dans le cadre de l’adjudication, de la négociation et/ou de la poursuite de contrats conclus avec Petrobras et/ou ses filiales. Certains de ces clients ont suivi l’ancienne gestionnaire auprès de son nouvel employeur suite à son départ de Banque J. Safra Sarasin dans le courant de l’année 2011.

L’instruction a révélé de nombreux manquements au sein de la Banque J. Safra Sarasin. En effet, la désorganisation de la banque a permis la commission de l’infraction de blanchiment d’argent aggravé, sous la forme de transferts totalisant environ USD 42.5 millions. A ce montant, il faut ajouter les transferts d’un montant total de USD 28.5 millions, exécutés par la banque, mais refusés par des banques destinataires. Ces manquements ont eu pour effet de porter atteinte à l’intégrité de la place financière suisse. Banque J. Safra Sarasin a ainsi été reconnue coupable de violation de l’art. 102 al. 2 CP en lien avec l’infraction de blanchiment d’argent aggravé commise en son sein.

L’instruction n’ayant pas permis d’établir que l’ancienne gérante de fortune et Banque J. Safra Sarasin avaient prêté intentionnellement leur concours à l’exécution des paiements corruptifs investigués, la procédure pénale ouverte contre eux pour soupçons de complicité de corruption d’agents publics étrangers (art. 25 et art. 322septies CP, en relation avec l’art. 102 al. 2 CP) a été classée (art. 319 al. 1 let. b CPP). Le MPC a également classé la procédure ouverte pour soupçons de complicité de corruption d’agents publics étrangers (art. 25 et art. 322septies CP) et blanchiment d’argent aggravé (art. 305bis ch. 1 et 2 CP) contre le troisième prévenu.

Précisions du 25.08.2025 à 15:25

Dans une prise de position qu’elle nous a fait parvenir, la banque indique que l’ordonnance du MPC met « un terme définitif à une procédure portant sur des faits remontant à plus de dix ans (2011-2014) et relatifs à une affaire impliquant également d’autres institutions financières. Cette ordonnance ne constitue ni une reconnaissance de culpabilité ni une acceptation de responsabilité civile ou pénale de la part de la Banque ou de l’un quelconque de ses représentants« .

JP Morgan Suisse condamnée dans l’affaire 1MDB

Dans une décision publiée également le 22 août 2025, le MPC a condamné la banque JP Morgan (Suisse) à une amende de CHF 3 millions pour ne pas avoir pris toutes les mesures d’organisation raisonnables et nécessaires afin d’empêcher la commission d’actes de blanchiment d’argent aggravé.

Les transferts de fonds liés aux actes précités se sont produits entre octobre 2014 et juillet 2015. Les sorties de fonds ont totalisé la somme approximative de CHF 174 millions. Cette condamnation intervient dans le cadre des procédures pénales menées par le MPC en lien avec le détournement d’actifs du fonds souverain malaisien 1Malaysia Development Berhad (1MDB). En raison d’une indemnisation de 1MDB à hauteur de MYR 1.4 milliard, le MPC n’a pas prononcé de créance compensatrice.

La présente condamnation intervient dans le cadre d’un complexe de procédures en lien avec le détournement d’actifs du fonds souverain malaisien 1MDB. Dans ce contexte, le MPC a ouvert en novembre 2022 une procédure pénale contre la banque JP Morgan Suisse et inconnu pour responsabilité de l’entreprise en lien avec l’infraction de blanchiment d’argent aggravé (art. 102 al. 2 CP en lien avec l’art. 305bis ch. 1 et 2 CP), respectivement blanchiment d’argent aggravé (art. 305bis ch. 1 et 2 CP), pour la période de 2009 à 2015.

Par ordonnance prononcée le 22 août 2025, le MPC a reconnu JP Morgan Suisse coupable de violation de l’art. 102 CP al. 2 CP en lien avec l’infraction de blanchiment d’argent aggravé (art. 305bis ch. 1 et 2 CP) pour la période du 7 octobre 2014 au 21 juillet 2015 et l’a condamnée à une amende de CHF 3 millions. Ce montant tient compte du temps écoulé depuis l’infraction, de la très bonne collaboration de JP Morgan Suisse à la procédure, ainsi que de l’indemnisation de la partie plaignante. Les faits antérieurs au 2 octobre 2014 sont classés au sens de l’art. 319 al. 1 let. b et d CPP.

Durant la période sous enquête, JP Morgan Suisse a ouvert plusieurs relations d’affaires liées à Petrosaudi et à ses deux gérants. Les fonds ayant alimenté ces relations d’affaires sont traçables aux infractions d’escroquerie et de complicité de gestion déloyale commises au détriment de 1MDB (jugement SK.2023.24 du 28 août 2024). En l’espèce, JP Morgan Suisse a réceptionné, respectivement exécuté 43 transferts de fonds provenant des infractions préalables entre le 15 octobre 2014 et le 21 juillet 2015, dont 34 sorties de fonds à l’étranger, totalisant la somme approximative de CHF 174 millions.

L’instruction a permis d’établir que, dès le 2 octobre 2014, malgré des informations négatives provenant de diverses sources publiques concernant l’implication potentielle des deux gérants et du groupe Petrosaudi dans un schéma de détournement de fonds au détriment de 1MDB, JP Morgan Suisse n’a pas clarifié de manière adéquate les relations d’affaires en question et a manqué de sens critique raisonnable. Les opérations intervenues entre le 7 octobre 2014 et le 21 juillet 2015 se sont produites en raison du défaut d’organisation de JP Morgan Suisse, qui n’a pas permis d’empêcher la commission des actes de blanchiment d’argent.